La Suisse n'est pas épargnée par la corruption dans les paris sportifs

Alors que des scandales liés aux paris sportifs éclatent un peu partout dans le monde, Jean-Luc Moner-Banet, président de l’ULIS (United Lotteries for integrity in sports), une organisation de surveillance des paris sportifs, indique que la Suisse n’est pas épargnée.

Selon les chiffres de l’ONU (Organisation des Nations Unies), les paris sportifs illégaux génèrent 1 700 milliards de dollars dans le monde. La Suisse n’échappe pas à ce fléau. « Des gens du fin fond de la Chine parient parfois sur des matchs de 2e ligue vaudoise », indique Jean-Luc Moner-Banet, directeur de la Loterie Romande et président de l’ULIS, organisation basée à Lausanne qui regroupe certains des plus gros opérateurs mondiaux. Ce dernier avance qu’en Suisse, s’il « ose une comparaison avec le dopage », les matchs truqués « truqués en sont à l’étape de l’avant Festina. Cela fait encore sourire les gens d’en entendre parler, comme s’il s’agissait de quelque chose d’anecdotique. La création de l’Agence mondiale antidopage et la thématique sont devenues très sérieuses aux yeux du public ». Jean-Luc Moner-Banet explique qu’en général, « cela part de clubs qui ne sont pas sensibilisés à la question, puis ça passe par des athlètes non formés, des opérateurs peu regardants, ou peu scrupuleux, des autorités occupées sur d’autres sujets. Dès lors qu’il y a un manque de culture, de structure, d’organisation, il y a un terrain propice à la manipulation », en citant l’exemple de la Turquie.

Pour essayer de contrecarrer ce fléau, l’ULIS, qui dispose d’un budget de 2 millions de francs suisses, monitore « une immense quantité de matches et de compétitions. Notamment grâce à l’IA, nos outils d’analyse se perfectionnent jour après jour. Ce qui est recherché, ce sont les mouvements de paris suspicieux ». Des mouvements qui peuvent se traduire par « un brusque basculement de cote, qui signifie que des sommes importantes ont été misées d’un coup sur l’outsider. Il existe des raisons légitimes que cela se produise, comme la blessure d’un joueur important à l’échauffement. Mais cela peut nous orienter. Autre exemple : si de gros paris sont joués au milieu de la nuit. Un joueur normal ne joue probablement pas à ces heures-là. Mais là encore, il arrive que certains, forts d’une conviction rêvée, se lèvent et décident de miser 50.000 francs sur le Lausanne-Sport contre le PSG. Au bout du compte, c’est en combinant ce genre d’événements que notre système apprend à déceler l’ordinaire du non-ordinaire ». Les alertes émises par le système sont contrôlées dans un premier temps par des humains. Une fois analysées, elles peuvent être transmises aux autorités si nécessaires. Malheureusement, les « autorités de poursuites et la police sont parfois très mal informées quant à la réalité des matches truqués », explique-t-il, soulignant qu’il s’agit souvent de criminalité organisée assortie de blanchiment d’argent, de menaces à l’encontre des joueurs ou de leur famille.

Selon Jean-Luc Moner-Banet, l’intégrité des joueurs ou des arbitres peut est mise en danger car ce sont eux qui sont chargés de manipuler les rencontres sur le terrain. « Au début, ces gens ne demandent rien. Ils ciblent des joueurs de seconde zone, des joueurs qui ont des difficultés pour s’en sortir. Ils se présentent comme des agents. Ils les encensent, les inondent de cadeaux. « Tiens, voilà 1000 francs pour ta sortie de samedi soir. Tiens, on va t’acheter des habits ». Puis un jour : « Ça fait six mois que je te fais des cadeaux. Maintenant, c’est à ton tour de faire quelque chose pour moi ». L’homme indique que la Suisse est relativement bien protégée grâce notamment à la Convention de Macolin dont les principes ont été intégrés dans la loi fédérale sur les jeux d’argent. La manipulation de match y est considérée comme un crime.

Source : 24Heures.ch